Chapitres / Livre 1 (1994, 1997 et 2000) / Conclusion
En acceptant qu'une ou deux contraintes contrôlent les performances de l'ensemble et donnent le rythme aux non-contraintes, il devient possible d'appréhender le comportement de l'entreprise, d'imaginer comment elle réagira face à un nouvel événement ou quel sera l'apport global d'un investissement. La gestion redevient simple.
Les actions d'amélioration et les investissements sont orientés en priorité vers les contraintes puisque ce sont elles qui déterminent le débit ainsi qu'une bonne partie de la flexibilité de l'usine, et qui créent les files d'attente. Lorsqu'il y a un véritable goulot d'étranglement (une ressource complètement saturée), le MPC lui accorde un traitement de faveur, ce que les approches "équilibristes" se refusent à faire.
Si le MPC place les contraintes au centre de ses réflexions, il n'oublie pas pour autant les non-goulots qui représentent l'essentiel des ressources et dont il exploite tout le potentiel.
Etant donnée l'incompatibilité entre le plein emploi de toutes les ressources et l'obtention d'un flux rapide de produits, il opte pour le maintien d'excédents de capacité sur les non-goulots, ce qui lui donne la possibilité de minimiser les stocks de plusieurs manières différentes.
Les excédents de capacité absorbent, à la place des stocks de protection, la plupart des aléas et toutes les autres sources de surcharges ponctuelles, et ce sans aucune intervention de la part des gestionnaires. Ainsi, l'activité de l'usine qui exploite son déséquilibre est naturellement stable ; on n'est pas obligé de jongler avec les capacités des ressources à chaque fluctuation des charges. Même les modifications du mix des produits peuvent être assimilées par les non-goulots.
L'association des excédents de capacité et de la technique de synchronisation du MPC permet de concentrer les stocks tampons en deux points névralgiques : en amont de la contrainte (pour éviter qu'elle ne se retrouve en rupture d'alimentation et que le programme maître ne soit remis en cause) puisqu'elle ne possède pas de capacité de rattrapage, et à la fin du processus, avant la livraison au client (pour assurer le respect des délais). En regroupant de la sorte les stocks tampons en aval d'une chaîne de non-goulots, ils seront très peu importants et puisqu'il n'y aura que peu de stocks par ailleurs, les cycles de production seront extrêmement courts.
La technique de synchronisation du MPC réduit les en-cours et les cycles en programmant le flux des produits en fonction de la capacité de l'usine dictée par ses contraintes. Seules celles-ci doivent être ordonnancées de manière détaillée pour assurer leur exploitation maximale. En revanche, la quasi totalité des ressources (les non-goulots) peut assurer leur fonction sans que l'on se préoccupe de savoir précisément à quelle heure telle ou telle opération aura lieu. Comme avec le Kanban, leur activité est déclenchée localement par les travaux à effectuer, ce qui simplifie l'ordonnancement.
Reconnaissant qu'il est impossible à la fois de fournir rapidement des marchés instables et de maintenir le plein emploi de toutes les ressources, le MPC, tout comme le Kanban, assure la synchronisation en faisant en sorte que les ressources s'arrêtent de travailler de temps à autre.
Enfin, le MPC offre la possibilité d'utiliser des tailles de lots différentes à divers stades du processus en regroupant les petits lots en lots plus importants en fonction de la flexibilité et des coûts des ressources. Ce point, unique au MPC, permet de tirer profit des parties souples du processus malgré quelques machines ayant un long temps de changement de série.
La mise en œuvre du MPC apporte rapidement d'importants bénéfices, mais cela ne saurait suffire. Il est désormais indispensable de maintenir un véritable processus d'amélioration continu. Les industriels qui adoptent le MPC sont libres ou non d'adhérer aux idées suivantes :
Etant donné que toutes les usines sont déséquilibrées, et ce quelles que soient les qualités de la gestion, on commence par profiter des excédents de capacité que l'on découvre au fur et à mesure que les flux sont assainis et que les surplus ne sont plus gaspillés à produire aveuglément et inutilement.
Cette première étape, que nous avons appelée la Phase 1, ne requiert aucune préparation préalable ; le MPC peut même être mis en œuvre dans un processus rigide et subissant de nombreux aléas, s'il est paramétré en conséquence. Il en résultera immédiatement une amélioration des performances et l'environnement créé permettra rapidement d'aller encore plus loin.
Il ne faut pas se contenter de gérer le déséquilibre existant, il faut le maîtriser. Lors de la Phase 2, on oriente donc les investissements et le processus d'amélioration continu pour modifier ce déséquilibre et s'approcher autant que possible du bon déséquilibre. On recherche le meilleur compromis entre la protection par les stocks ou par des excédents de capacité, et puisque les coûts des capacités, la fiabilité des différentes machines d'une usine et les coûts des stocks varient d'un stade à un autre, on distribue les excédents de capacité de manière inégale. Le transfert des dépenses des stocks vers les capacités est justifié si l'usine en ressort plus performante.
Si ce raisonnement a été occulté par le passé, c'est que selon l'analyse comptable traditionnelle les stocks coûtent beaucoup moins cher que le maintien d'excédents de capacité. Or comme nous l'avons vu, cette vue comptable est totalement inadaptée aux marchés très concurrencés d'aujourd'hui. C'est pourquoi, le point de départ de toute recherche du bon déséquilibre passe par une réévaluation du coût imputé aux stocks (qui est selon nous relatif aux niveau moyen des stocks de son secteur).
Le partage des ressources en deux catégories oblige à une surveillance permanente de la frontière qui les sépare. Le piège réside dans le fait qu'en théorie la performance optimale s'obtient quand toutes les ressources sont proches de cette frontière. L'idéal serait que les non-goulots aient tout juste suffisamment de réserves pour ne jamais poser de problèmes et que les contraintes contrôlent les performances sans vraiment les limiter. Or cet objectif étant en pratique irréalisable, le Management Par les Contraintes cherche à s'en approcher grâce à une décomposition certes arbitraire, mais qui par sa simplification, semble bien adaptée à nos capacités de gestion.
Le déséquilibre des capacités dans les entreprises est inévitable. Il est donc tout aussi inévitable que le mouvement "déséquilibriste" se développe.
Les premières entreprises qui vraisemblablement s'y intéresseront seront celles qui ne peuvent s'inspirer du Système de Production Toyota, parce que le Kanban et le mixage-écrêtage de la chaîne d'assemblage sont inapplicables à leur processus ; leur production n'étant pas suffisamment répétitive ou leurs flux ne convergeant pas sur un assemblage final mais divergeant comme dans des productions en V. Si ces entreprises veulent produire "Juste A Temps", le Management Par les Contraintes peut les aider.
Le MPC devrait intéresser en particulier les entreprises en difficulté car les techniques que nous avons décrites s'appliquent directement et immédiatement à un existant, même en présence de problèmes de qualité, de longs temps de changement de série et autres "anti-flux".
Etant donné que les approches japonaises, MRP ou MPC, partagent le même objectif - produire Juste A Temps -, on peut penser qu'une synthèse ne retenant que les meilleurs aspects de chacun de ces mouvements s'opérera à terme. C'est dans cet esprit que nous avons étudié ce que le Management Par les Contraintes pouvait apporter au système Toyota ou à des entreprises utilisant un MRP.
L'approche japonaise fournira son pragmatisme, son obsession pour la flexibilité et la fiabilité des moyens de production, et la place prépondérante qu'elle accorde à la créativité humaine par rapport aux machines.
Le MRP, sous la pression des industriels qui comprennent de mieux en mieux le véritable rôle que peut jouer l'informatique dans l'industrie, finira bien à terme par rectifier ses défauts et fournir une véritable assistance à la gestion avec, entres autres, des programmes de fabrication fondés sur un modèle informatique de l'entreprise.
Quant au Management Par les Contraintes, nous pensons qu'il apportera son raisonnement sur la répartition inégale des capacités.
Enfin, notons que puisque le MPC est fondé sur une logique rigoureuse et générale, il est pertinent non seulement à tous les types d'industries mais également aux activités de services. Il concerne toute organisation qui fournit un produit ou un service en accomplissant un ensemble de tâches exploitant différentes ressources. Notre exposé de la mise en œuvre s'est concentré sur la gestion des flux physiques dans les usines, mais nous aurions également pu examiner un bureau d'étude, un réseau de distribution, un hôpital, ou encore un réseau informatique de communication.
En fait, une fois que l'on a pratiqué le Management Par les Contraintes on ne cesse de lui trouver de nouveaux domaines d'application. Où n'y a-t-il pas des goulots baladeurs et des files d'attente ?
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Je me souviens de l'impact que certains ouvrages ont eu sur la qualité de mon travail de responsable de production et d'ingénieur-conseil. J'espère que ce livre vous ouvrira à vous aussi de nouveaux horizons, et que vous et votre entreprise en profiterez.
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